Portrait d'écrivain : Zola par Manet

Tableau iconique conservé au musée d'Orsay, le Portrait d'Emile Zola peint par Edouard Manet (1868) incarne la proximité et la solidarité qui unissent deux géants de l'art français du XIXème siècle au moment de sa réalisation.
Le contexte : clés de compréhension
Quand Manet peint ce portrait de Zola, tous deux sont encore de jeunes artistes cherchant à se faire un nom.
Pour comprendre le tableau, il convient de revenir sur le contexte de sa réalisation. Retour en 1865, année où Manet présente son tableau Olympia au Salon de Paris.
Cette autre toile majeure également conservée au musée d'Orsay de nos jours crée alors un véritable scandale. La raison ? Le peintre a représenté une jeune femme nue, bien trop individualisée et réaliste aux goûts de la critique. Manet s'inscrit certes dans une longue tradition de peintures de nus féminins. L'hommage à La Vénus d'Urbino, du maître de la Renaissance vénitienne Titien est d'ailleurs évident chez Olympia.

Sauf que traditionnellement, la représentation de corps nus n'est acceptée que dans le cas de tableaux mythologiques (nymphes, déesses, etc.) ou exotiques (odalisques, par exemple). Ce qui déplaît dans le tableau de Manet, c'est qu'on y reconnait clairement la représentation d'une demi-mondaine, une femme entretenue par un homme riche. On est bien loin de l'idéalisation classique.
Éreinté par la critique, Manet trouve néanmoins un farouche défenseur en la personne d'un jeune écrivain et journaliste féru d'art, Émile Zola. Celui-ci monte au créneau et défend la peinture de Manet, qui correspond à ses propres idéaux artistiques.
C'est en remerciement de cet engagement passionné qu'Édouard Manet peint le portrait de celui qui est devenu un ami.
Comment regarder le Portrait de Zola par Manet ?
Le tableau fourmille de références au contexte de sa création, mais aussi aux deux artistes.
Dans un cadrage resserré, Zola est présenté de profil, dans un environnement caractérisé à la fois par un grand nombre d'objets et par une faible perspective. La profondeur très limitée donnée à la scène évoque les estampes japonaises alors très en vogue.

Dans le Portrait d'Émile Zola peint par Manet, c'est avant tout l'écrivain-critique d'art qui est mis en avant, plus que le romancier. C'est cette facette de le Zola qui a rapproché les deux hommes.
Leur proximité ne dure cependant que quelques années. L'évolution de l'art de Manet vers des tendances impressionnistes ne plaît effectivement pas à Zola, qui lui préfère un art ancré dans le naturalisme et le réalisme, comme il le montre dans ses romans.
Les deux toiles de Manet, l'Olympia et le Portrait d'Émile Zola, si elles étaient empreintes de scandale et de tumulte au moment de leur réalisation, sont aujourd'hui considérées comme des chefs-d'œuvre de la peinture française du XIXème siècle.